Jean-François Romanelli (v. 1610-1662), élève de Pierre de Cortone à Rome, devint rapidement l’un de ses principaux collaborateurs, au service du pape Urbain VIII. À partir de 1635, il prit son indépendance à la fois professionnelle et stylistique. Redécouvrant l’œuvre de Raphaël († 1520), il suivit l’évolution du Guide (Guido Reni, † 1642) vers une harmonieuse synthèse entre les styles renaissance, baroque et classique, recherchant avant tout la simplicité et privilégiant les couleurs à la fois somptueuses et fraîches qui ont fait sa réputation. L’œuvre qui orne la couverture de votre Magnificat de ce mois d’avril, peinte en 1640, en est une parfaite illustration.
Vêtu d’une tunique bleu biblique
Au matin de Pâques, Pierre et le disciple que Jésus aimait, prévenus par Marie Madeleine que le corps du Seigneur a été enlevé du tombeau, courent jusqu’au tombeau et viennent d’y entrer (cf. Jn 20, 1-10). Pierre, arrivé en dernier mais entré en premier, est représenté avec une belle tête d’homme mûr. Il est vêtu d’une tunique d’un bleu profond et lumineux, le bleu biblique (Tekhelet) qui, reprenant la teinte du ciel, exprime ici la consécration au service de la révélation du divin. Cependant, son manteau, terreux dans l’ombre et or dans la lumière, rend compte à la fois de sa faiblesse humaine qui le conduira au reniement et de sa disponibilité à la grâce qui l’établira roc de l’Église et le conduira au martyre.
Conformément à la Tradition, le disciple que Jésus aimait est ici identifié à l’Apôtre Jean, fils de Zébédée, frère de Jacques le Majeur. Tout jeune homme, il est vêtu d’une tunique verte, couleur du printemps, du renouveau, signifiant que le premier, entre tous, il a cru à la résurrection. Son manteau est teint d’une nuance claire de pourpre qui atteste de sa dignité d’Apôtre, l’un des Douze choisis par le Seigneur.
Être touché par la grâce de la foi
Pierre désigne du doigt le linceul vide et tourne vers Jean un visage que le peintre a réussi à empreindre d’une remarquable expression à la fois de stupeur et d’interrogation. Mais Jean ne le voit pas : les yeux écarquillés, il voit qu’il n’y a rien à voir. Et il croit. Là encore, le peintre exprime avec génie ce que c’est que d’être touché par la grâce de la foi. De sa main droite, Jean signifie respectueusement une fin de non-recevoir aux interrogations de Pierre. De sa main gauche, celle du cœur, il accueille le don de Dieu. Et le peintre nous laisse deviner que l’impassibilité de son visage ne peut masquer totalement la joie surnaturelle qui secrètement comble le plus intime de son être.
Ainsi, alors qu’il n’y avait rien à voir, le disciple que Jésus aimait voit que le vide du tombeau ouvre un espace infini, inaugurant une vie retrouvée, renouvelée, au-delà de la mort. Et il croit. Sa foi ne se base pas sur des preuves historiques. Certes, l’existence, l’enseignement, la passion de Jésus, il en a été le témoin privilégié, mais Jésus ressuscitant, il ne l’a pas vu. Et pourtant, il vit et il crut. La résurrection est par excellence une vérité à croire. La vérité à croire. La foi ne serait pas la foi s’il fallait jusqu’au bout prouver qu’elle dit juste. Le disciple que Jésus aimait, les disciples que Jésus aime, vous, moi, nous avons vu et nous croyons par les yeux de la foi, car si notre foi n’a rien à prouver, elle a des yeux pour voir et pour voir vrai.
Pierre-Marie Varennes
Saint Jean et saint Pierre au tombeau du Christ (v. 1640), Giovanni Francesco Romanelli (v. 1610-1662), Los Angeles County Museum of Art, Cal, USA. Image Domaine public. www.lacma.org
Il vit et il crut
Il vit et il crut
Le 1 avril 2024
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Jean-François Romanelli (v. 1610-1662), élève de Pierre de Cortone à Rome, devint rapidement l’un de ses principaux collaborateurs, au service du pape Urbain VIII. À partir de 1635, il prit son indépendance à la fois professionnelle et stylistique. Redécouvrant l’œuvre de Raphaël († 1520), il suivit l’évolution du Guide (Guido Reni, † 1642) vers une harmonieuse synthèse entre les styles renaissance, baroque et classique, recherchant avant tout la simplicité et privilégiant les couleurs à la fois somptueuses et fraîches qui ont fait sa réputation. L’œuvre qui orne la couverture de votre Magnificat de ce mois d’avril, peinte en 1640, en est une parfaite illustration.
Vêtu d’une tunique bleu biblique
Au matin de Pâques, Pierre et le disciple que Jésus aimait, prévenus par Marie Madeleine que le corps du Seigneur a été enlevé du tombeau, courent jusqu’au tombeau et viennent d’y entrer (cf. Jn 20, 1-10). Pierre, arrivé en dernier mais entré en premier, est représenté avec une belle tête d’homme mûr. Il est vêtu d’une tunique d’un bleu profond et lumineux, le bleu biblique (Tekhelet) qui, reprenant la teinte du ciel, exprime ici la consécration au service de la révélation du divin. Cependant, son manteau, terreux dans l’ombre et or dans la lumière, rend compte à la fois de sa faiblesse humaine qui le conduira au reniement et de sa disponibilité à la grâce qui l’établira roc de l’Église et le conduira au martyre.
Conformément à la Tradition, le disciple que Jésus aimait est ici identifié à l’Apôtre Jean, fils de Zébédée, frère de Jacques le Majeur. Tout jeune homme, il est vêtu d’une tunique verte, couleur du printemps, du renouveau, signifiant que le premier, entre tous, il a cru à la résurrection. Son manteau est teint d’une nuance claire de pourpre qui atteste de sa dignité d’Apôtre, l’un des Douze choisis par le Seigneur.
Être touché par la grâce de la foi
Pierre désigne du doigt le linceul vide et tourne vers Jean un visage que le peintre a réussi à empreindre d’une remarquable expression à la fois de stupeur et d’interrogation. Mais Jean ne le voit pas : les yeux écarquillés, il voit qu’il n’y a rien à voir. Et il croit. Là encore, le peintre exprime avec génie ce que c’est que d’être touché par la grâce de la foi. De sa main droite, Jean signifie respectueusement une fin de non-recevoir aux interrogations de Pierre. De sa main gauche, celle du cœur, il accueille le don de Dieu. Et le peintre nous laisse deviner que l’impassibilité de son visage ne peut masquer totalement la joie surnaturelle qui secrètement comble le plus intime de son être.
Ainsi, alors qu’il n’y avait rien à voir, le disciple que Jésus aimait voit que le vide du tombeau ouvre un espace infini, inaugurant une vie retrouvée, renouvelée, au-delà de la mort. Et il croit. Sa foi ne se base pas sur des preuves historiques. Certes, l’existence, l’enseignement, la passion de Jésus, il en a été le témoin privilégié, mais Jésus ressuscitant, il ne l’a pas vu. Et pourtant, il vit et il crut. La résurrection est par excellence une vérité à croire. La vérité à croire. La foi ne serait pas la foi s’il fallait jusqu’au bout prouver qu’elle dit juste. Le disciple que Jésus aimait, les disciples que Jésus aime, vous, moi, nous avons vu et nous croyons par les yeux de la foi, car si notre foi n’a rien à prouver, elle a des yeux pour voir et pour voir vrai.
Pierre-Marie Varennes
Saint Jean et saint Pierre au tombeau du Christ (v. 1640), Giovanni Francesco Romanelli (v. 1610-1662), Los Angeles County Museum of Art, Cal, USA. Image Domaine public. www.lacma.org
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