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Apothéose de saint Thomas d’Aquin

Le 1 janvier 2025

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Apothéose de saint Thomas d’Aquin (vers 1631), Francisco de Zurbarán (1598-1664).

 

La date exacte de la naissance de saint Thomas d’Aquin est inconnue, mais il est probable qu’il naquit il y a 800 ans, en 1225, au château de Roccasecca, alors en territoire du royaume de Sicile. Fêté par l’Église catholique le 28 janvier, il est unanimement reconnu comme l’un des plus grands philosophes et théologiens.

Le « docteur angélique » (Doctor angelicus)

Canonisé en 1323, proclamé docteur de l’Église en 1567, Thomas d’Aquin connaît une vocation précoce. Oblat à l’abbaye du Mont-Cassin dans sa plus tendre enfance, il rencontre des frères prêcheurs lors d’un séjour à Naples et rentre dans l’ordre des Dominicains en avril 1244. Étudiant à l’université de Paris, il y rencontre Albert le Grand, qu’il suit quelques années à Cologne, avant de retrouver la capitale du royaume de France où il poursuit sa formation dans le domaine théologique, s’intéressant notamment aux livres d’Isaïe et de Jérémie, et publiant plusieurs ouvrages décisifs, dont les Questions disputées. Sa réputation d’intellectuel lui vaut d’être rappelé en Italie par l’ordre dominicain. En charge de la formation de la communauté d’Orvieto, il débute la rédaction de la Somme contre les Gentils. Mais c’est à Rome, où il est envoyé en 1265, qu’il s’attelle à son œuvre majeure, la Somme théologique, qu’il poursuit lors d’un nouveau séjour à Paris de 1268 à 1272, puis à Naples à partir de 1272. Il meurt deux ans plus tard, au monastère de Fossanova. Il avait alors décidé de cesser tout travail intellectuel : une révélation surnaturelle lors d’une eucharistie lui aurait révélé que tout ce qu’il avait écrit n’était « que paille ». Sa pensée est cependant unanimement reconnue comme extraordinairement féconde, et la première qui ait réconcilié philosophie – avec la redécouverte d’Aristote, surtout – et théologie. Benoît XVI résumait : « En définitive, Thomas d’Aquin démontra qu’entre foi chrétienne et raison subsiste une harmonie naturelle. Et telle a été la grande œuvre de Thomas qui, en ce moment de conflit entre deux cultures – ce moment où il semblait que la foi devait capituler face à la raison – a montré que les deux vont de pair, que ce qui apparaissait comme une raison non compatible avec la foi n’était pas raison, et que ce qui apparaissait comme foi n’était pas la foi, si elle s’opposait à la véritable rationalité ; il a ainsi créé une nouvelle synthèse, qui a formé la culture des siècles qui ont suivi. » Le saint-père rappelait aussi que « la profondeur de la pensée de saint Thomas d’Aquin découle – ne l’oublions jamais – de sa foi vivante et de sa piété fervente, qu’il exprimait dans des prières inspirées, comme celle où il demande à Dieu : “Accorde-moi, je t’en prie, une volonté qui te recherche, une sagesse qui te trouve, une vie qui te plaît, une persévérance qui t’attend avec patience et une confiance qui parvienne à la fin à te posséder” ». C’est « en raison de ses vertus, en particulier le caractère sublime de sa pensée et la pureté de sa vie » qu’il est appelé le Doctor angelicus.

Dans la gloire du ciel

Théologien hors pair, figure exemplaire de l’ordre dominicain, Thomas est volontiers représenté sur des retables exaltant les saints. C’est le cas du grand tableau d’autel qui fut peint en 1631 pour le collège dominicain de Séville. Le peintre espagnol du siècle d’or, Francisco de Zurbarán, que le musée des beaux-arts de Lyon célèbre dans une exposition jusqu’à la fin du mois de mars 2025, y montre une ambition inhabituelle. Délaissant la représentation de figures de saints – notamment saint François d’Assise – en pied, sur fond neutre, il compose une gigantesque toile, sur deux registres. Au registre inférieur, huit personnages sont agenouillés devant une table sur laquelle est fièrement exposé l’acte de fondation du collège Saint-Thomas de Séville. À gauche, le cardinal Diego de Deza et des moines dominicains, Alonso de Ortiz, Pedro de Ballesteros et Diego Pinel – le second, de profil étant souvent identifié comme un autoportrait de l’artiste –, à droite, l’empereur Charles Quint et des citoyens sévillans. Leurs regards sont tournés vers le ciel, où saint Thomas, debout, est représenté écrivant sous l’action de l’Esprit Saint, entouré de quatre autres docteurs de l’Église, saint Ambroise et saint Grégoire le Grand à gauche, saint Jérôme et saint Augustin à droite. Dans le quart supérieur, sur une nuée de chérubins, le Christ et la Vierge, à gauche, Dieu le Père et saint Dominique, à droite, s’apprêtent à accueillir le Doctor angelicus. Il fallait une iconographie ambitieuse pour signifier la grandeur de ce saint et commémorer la fondation du collège dominicain de Séville. Thomas occupe une place centrale. Par son œuvre écrite, et notamment la Somme théologique, avec 2 669 articles, il s’impose comme l’une des figures majeures et de la théologie et de l’ordre prêcheur. Car si ce retable est une apothéose de l’Aquinate, il est aussi à la gloire des dominicains, présents à chacun des trois registres : le fondateur du collège sévillan et quelques frères contemporains à la partie inférieure, le fondateur de l’Ordre, saint Dominique, que le peintre a représenté dialoguant avec le Père, à la partie supérieure. Le docteur angélique aurait-il apprécié pareille pompe, lui qui considérait son œuvre comme de la paille ? L’iconographie, à la gloire de l’Ordre, montre certes la place éminente que saint Thomas d’Aquin occupe aux côtés des docteurs de l’Église et celle qui l’attend auprès de Dieu, mais le regard tourné vers le ciel rappelle l’abaissement qui fut sien, lui qui, par humilité, cessa d’écrire et d’enseigner. Que soient nôtres ce cri de Thomas « Vous seul, Seigneur ! », et la prière qu’il composa, le Lauda Sion, en l’honneur de la sainte eucharistie :

 

Lauda Sion salvatorem                         

lauda ducem et pastorem,          

in hymnis et canticis.                             

 

Quantum potes tantum aude,               

quia major omni laude,                        

nec laudare sufficis.                               

 

 

Sion, célèbre ton Sauveur,

chante ton chef et ton pasteur

par des hymnes et des chants.

Tant que tu peux, tu dois oser,

car il dépasse tes louanges,

tu ne peux trop le louer.

 

 

Sophie Mouquin

 

Pour aller plus loin

  • Jean-Pierre Torrell, Initiation à saint Thomas d’Aquin. Sa personne et son œuvre, rééd. Cerf, Paris, 2015.
  • Ludmilla Virassamynaiken, Zurbarán. Réinventer un chef-d’œuvre, cat. exp. Lyon, musée des Beaux-Arts, 5 décembre 2024 au 2 mars 2025, Paris, El Viso, 2024.
  • Ignacio Caro Rivero, Francisco de Zurbarán, 1598-1664, cat. exp. Bruxelles, palais des Beaux-Arts, 29 janvier au 25 mai 2014, Bruxelles, fonds Mercator, 2014.

Apothéose de saint Thomas d’Aquin (1631), Francisco de Zurbarán (1598-1664), Séville, musée des Beaux-Arts. © akg-images.

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