Alban de Châteauvieux
Fêté le 1er juin
Né à Naplouse, l’antique Sichem, en Samarie, le jeune Justin est tenaillé par une soif ardente de vérité que n’apaise pas la religion païenne dans laquelle il a été élevé. Aussi se passionne-t-il pour la philosophie et se met-il en quête du maître qui saura l’accompagner dans son aspiration au divin. A-t-il entendu parler de ce rabbi de Nazareth qui, quelques décennies plus tôt, est venu chez lui, à Sichem, pour révéler à une femme que seul Dieu pouvait étancher sa soif inextinguible ? Sans doute que non puisqu’il décide de quitter sa Palestine natale pour se rendre en pèlerinage dans les nombreuses écoles de la tradition philosophique grecque qu’accueille Alexandrie.
À la recherche de la vérité
Commence alors pour le jeune homme un long cheminement philosophique de recherche de la vérité. Cet itinéraire est d’autant plus escarpé que Justin va de déception en déception : aucun des maîtres vers lesquels il se tourne, qu’il soit stoïcien, péripatéticien ou pythagoricien, ne le satisfait. Jusqu’au jour où il apprend qu’un célèbre platonicien vient d’arriver à Naplouse. Nullement découragé dans sa quête, l’étudiant se rapproche aussitôt de cet homme qui va l’initier à sa doctrine empreinte de mysticisme. Justin est séduit. « Je croyais être devenu sage en peu de temps, et telle était ma folie, que je conçus l’orgueilleux espoir de voir bientôt Dieu lui-même, car c’est là le but que se propose la philosophie de Platon », écrira-t-il dans son Dialogue avec Tryphon. Mû par cette folle espérance, il se retire à l’écart pour s’appliquer à cette science qui, pense-t-il, lui fera voir avec les yeux de l’âme « l’être au-dessus de toute essence ».
De l’école de Platon à celle du Christ
Un jour qu’il se croit seul au bord de la mer, Justin remarque un vieillard qui le suit de près et l’aborde. Le mystérieux personnage lui démontre alors qu’il a fait fausse route jusque-là, qu’aucun homme, même le plus grand génie, ne peut se hisser par lui-même jusqu’à Dieu. « Vers quels maîtres recourir, quel appui réclamer pour nous soutenir, si ces grands génies eux-mêmes ont ignoré la vérité ? » lui demande Justin. Et le vieillard de lui indiquer les anciens prophètes dont « le témoignage est supérieur à tous les raisonnements » : « Ils annonçaient aux hommes celui que Dieu nous a envoyé, c’est-à-dire le Christ, son Fils. » Avant de disparaître, le vénérable chrétien l’invite à la prière, afin que « les portes de la lumière » lui soient ouvertes.
Cette rencontre providentielle suscite dans le cœur de Justin un « feu secret ». Brûlant du désir de connaître ces « hommes divins amis du Christ », il se plonge dans l’étude des Écritures et reçoit bientôt le baptême. Au sein de l’école qu’il fonde à Rome, il n’a qu’un objectif en vue : enseigner la Vérité, initier gratuitement ses élèves à « la seule philosophie utile et certaine », c’est-à-dire au christianisme naissant. Et ce, au péril de sa vie. Sa défense de la foi chrétienne lui vaut en effet d’être décapité vers 165, sous le règne de l’empereur philosophe Marc Aurèle auquel il avait pourtant adressé l’une de ses Apologies.
À l’écoute de saint Justin
« Je déclare que je n’ambitionne plus qu’une seule gloire, celle d’être reconnu chrétien. J’abandonne Platon, non que sa doctrine soit contraire à celle de Jésus Christ, mais parce qu’elle ne lui est pas en tout semblable. Je porte le même jugement des autres, c’est-à-dire des disciples de Zénon, de vos poètes et de vos historiens. […] À la faveur de la raison que Dieu a mise en nous comme une semence précieuse, vos philosophes ont pu quelquefois entrevoir la vérité, mais toujours comme un faible crépuscule. Ce simple germe, cette légère ébauche de la vérité, proportionnée à notre faiblesse, peut-elle se comparer à la vérité elle-même, communiquée dans toute sa plénitude et selon l’étendue de la grâce ? »
Seconde apologie de saint Justin
(Journaliste, Marie de Chamvres collabore régulièrement à Magnificat.