Alban de Châteauvieux
Fêtée le 2 mars
Plongée dans la prière ce jour-là, Angèle voit une croix devant la croix du Christ crucifié. Elle aspire aussitôt à occuper la place vide et choisit alors de s’immoler avec le Seigneur pour le salut des âmes. Une expérience fondatrice pour la suite de l’histoire sainte de celle que ses parents appelaient affectueusement Angelita, quelques années auparavant, alors qu’elle n’avait que 12 ans et travaillait déjà, à Séville, dans un atelier de chaussures pour aider à la subsistance de sa famille aussi pauvre que pieuse.
Servir Dieu à travers les pauvres
Angèle dut ainsi très vite abandonner l’école. La patronne de l’usine de chaussures qui l’embauche prie le chapelet tous les jours avec ses employés et leur lit la vie des saints. Antonia, c’est son nom, partage aussi assez vite avec sa jeune apprentie de choix son directeur spirituel, le frère Torres. Angèle a 16 ans quand il commence à l’accompagner et à 19 ans, désireuse de servir le Seigneur dans la vie consacrée, elle rentre successivement au Carmel puis chez les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, où elle ne reste pas à chaque fois pour des raisons de santé. Une épidémie de choléra frappe le pays un peu après sa sortie et, sur les conseils de frère Torres, Angèle va soigner les malades, avec une préférence pour les plus pauvres. En 1871, elle s’engage totalement vis-à-vis du Seigneur par un acte privé, et c’est à ce moment-là que survient l’épisode de la vision de la croix vide devant celle du Christ crucifié. Cette croix est pour elle. Elle le comprend. Une expérience spirituelle vient éclairer l’horizon de sa vie et celle de l’institut qu’elle est appelée à fonder. Pour le moment, le désir qui l’habite est « d’être pauvre avec le pauvre pour lui apporter le Christ ». Sur les conseils de son directeur spirituel, elle écrit un journal dans lequel elle expose le style de vie qu’elle désire vivre avec celles qui la suivront.
Le bonheur dans la charité
Le 2 août 1875, Angèle fonde les sœurs de la Compagnie de la Croix. Elle démarre avec trois compagnes, avec lesquelles elle se rend auprès des plus pauvres, qui, sans elles, ne seraient pas secourus. Très vite admirée de tous, la vox populi la nomme « la mère des pauvres ». Elle enseigne à ses filles que le bonheur est dans la charité et dans le respect de la fonction de chacun comme membre d’un seul corps : « Il y a de bonnes infirmières qui courent à la recherche des malades et d’âmes à sauver ; et de bons professeurs qui éduquent chrétiennement et enseignent l’honnêteté, comme de bons cuisiniers qui assaisonnent très bien les ragoûts. Et Dieu merci, il y a de très bonnes blanchisseuses. » Et le mieux est quand chacun apprécie le travail que font les autres, conclut-elle. Naturelle et simple dans ses relations et dans sa manière d’être, mère Angèle, qui n’a de goût que pour l’humilité, va fonder vingt-trois couvents de son vivant. Elle aura un très fort impact sur l’Église et la société sévillane de son époque, selon les mots de saint Jean-Paul II lors de sa canonisation le 4 mai 2003. Elle a 86 ans lorsqu’elle rend son âme à Dieu, le 2 mars 1932. Les statuts de son institut avaient été reconnus par le pape Léon XIII, en 1894. n
À l’écoute d’Angèle de la Croix
Pour connaître votre degré de charité, je vous dis que la perfection n’est pas tant de ne pas commettre de fautes que de les connaître. Notre nature est si unie à l’esprit et nous sommes si faibles que même si nous pratiquons la vertu avec plaisir, comme on le dit souvent : Il n’y a pas de vertus sans défauts. Et ce n’est pas dans la vertu mais dans ceux qui la pratiquent qu’ils vont se manifester. Mais si en commettant la faute, on la reconnaît et on la répare, on se forge une âme solide. Mais celui qui veut présenter son défaut comme une vertu, et qui se présente comme une bonne âme, n’a en fait pas de solidité en lui parce qu’il ne se connaît pas. Il est prouvé que la seule connaissance de soi permet de progresser dans la vie spirituelle.