À nous d’en être les témoins
Francisco Camilo (1615-1673) est l’une des brillantes étoiles de la constellation des artistes qui illumina le firmament du siècle d’or espagnol (v. 1550-1680). Il peint cette Ascension en 1651. Le dynamisme de la composition, la dramaturgie des ombres et de la lumière, l’expression des visages et le mouvement des drapés en font l’un des chefs-d’œuvre du style baroque, digne des œuvres de Vélasquez et d’Alonzo Cano, peintres actifs à Madrid en même temps, et parfois sur les mêmes chantiers, que Camilo.
Saint Jean au premier plan – vêtu du manteau rouge de l’amour divin, les bras ouverts et la tête tournée vers le ciel – dessine une diagonale que poursuit son regard. Par cette diagonale, nous sommes invités à entrer dans le tableau pour en embrasser, à l’instar du disciple que Jésus aimait, toute la dramaturgie : joie de la mission salvatrice accomplie, tristesse du départ de l’être aimé, espérance dans l’attente de l’Esprit promis. Observons comment ces émotions sont rendues par les expressions de chacun des disciples, au nombre desquels figurent Marie, mère du Seigneur, et Marie Madeleine.
Mais d’où émane cette lumière qui baigne le tableau ? Il semblerait qu’elle descende des cieux où s’élève le Seigneur. Mais il semblerait tout autant qu’elle émane du Christ lui-même. N’est-ce pas que l’artiste a voulu signifier le fait que la Lumière née de la Lumière, après être venue dans le monde, s’en retourne à la Lumière qui l’a engendrée ?
Ainsi donc, environné d’une nuée d’orage qui s’ouvre en forme de mandorle, le Christ Jésus monte aux cieux. Il porte une tunique rose « gaudete », qui signifie sa joie de retrouver le sein du Père, et un manteau bleu céleste. Dans un rendu virtuose des drapés, ses vêtements flottent comme s’ils n’étaient déjà plus soumis à la pesanteur. Les bras ouverts, le Seigneur s’apprête à tomber dans ses bras en tant qu’il est son Fils bien-aimé, par qui sa volonté bienveillante pour le genre humain a été accomplie. Mais aussi, mais encore, il s’apprête à se blottir dans les bras du Père en tant qu’il est le fils prodigue puisque, désormais, il incarne à jamais au sein de Dieu l’humanité sauvée. Les stigmates exposés par ses mains ouvertes en témoignent.
Centré en bas du tableau, le peintre a représenté le rocher qui forme le sommet de la colline centrale du mont des Oliviers, là où a eu lieu l’Ascension. Sur ce rocher, il a représenté, comme sculptées dans le roc, les empreintes des deux pieds du Seigneur. En réalité, au sommet de ce tertre situé à 818 m d’altitude, la tradition a vu dans le roc l’empreinte, non pas des deux pieds du Seigneur, mais de son seul pied droit, par lequel s’est fait son dernier contact avec la terre. Entre 388 et 392, sur l’instigation de sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin, une noble praticienne fit construire une chapelle avec en son centre le rocher de l’empreinte. L’architecture avait la forme d’une rotonde et conservait le surplomb du rocher à ciel ouvert, pour que les pèlerins se figurent la scène de l’Ascension. Huit siècles plus tard, en 1198, la mosquée que l’on y voit aujourd’hui a été construite à cet emplacement. Cependant, la chapelle a été en partie conservée avec son rocher qui peut encore y être vénéré.
Cette empreinte signifie que, selon sa promesse, le Seigneur demeure présent à nos vies après son ascension. Une présence cachée, certes, mais néanmoins bien réelle sous ses différentes formes sacramentelles, éminemment dans le Saint-Sacrement, mais aussi dans le signe de sa présence que nous sommes appelés à être les uns pour les autres, un signe qu’il ne tient qu’à nous de rendre évident, en nous aimant comme le Seigneur nous a aimés.
Pierre-Marie Varennes
L’Ascension du Christ (1651), Francisco Camilo (v. 1615-1673), Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya. © akg-images.
À nous d’en être les témoins
À nous d’en être les témoins
Le 1 mai 2025
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Francisco Camilo (1615-1673) est l’une des brillantes étoiles de la constellation des artistes qui illumina le firmament du siècle d’or espagnol (v. 1550-1680). Il peint cette Ascension en 1651. Le dynamisme de la composition, la dramaturgie des ombres et de la lumière, l’expression des visages et le mouvement des drapés en font l’un des chefs-d’œuvre du style baroque, digne des œuvres de Vélasquez et d’Alonzo Cano, peintres actifs à Madrid en même temps, et parfois sur les mêmes chantiers, que Camilo.
Saint Jean au premier plan – vêtu du manteau rouge de l’amour divin, les bras ouverts et la tête tournée vers le ciel – dessine une diagonale que poursuit son regard. Par cette diagonale, nous sommes invités à entrer dans le tableau pour en embrasser, à l’instar du disciple que Jésus aimait, toute la dramaturgie : joie de la mission salvatrice accomplie, tristesse du départ de l’être aimé, espérance dans l’attente de l’Esprit promis. Observons comment ces émotions sont rendues par les expressions de chacun des disciples, au nombre desquels figurent Marie, mère du Seigneur, et Marie Madeleine.
Mais d’où émane cette lumière qui baigne le tableau ? Il semblerait qu’elle descende des cieux où s’élève le Seigneur. Mais il semblerait tout autant qu’elle émane du Christ lui-même. N’est-ce pas que l’artiste a voulu signifier le fait que la Lumière née de la Lumière, après être venue dans le monde, s’en retourne à la Lumière qui l’a engendrée ?
Ainsi donc, environné d’une nuée d’orage qui s’ouvre en forme de mandorle, le Christ Jésus monte aux cieux. Il porte une tunique rose « gaudete », qui signifie sa joie de retrouver le sein du Père, et un manteau bleu céleste. Dans un rendu virtuose des drapés, ses vêtements flottent comme s’ils n’étaient déjà plus soumis à la pesanteur. Les bras ouverts, le Seigneur s’apprête à tomber dans ses bras en tant qu’il est son Fils bien-aimé, par qui sa volonté bienveillante pour le genre humain a été accomplie. Mais aussi, mais encore, il s’apprête à se blottir dans les bras du Père en tant qu’il est le fils prodigue puisque, désormais, il incarne à jamais au sein de Dieu l’humanité sauvée. Les stigmates exposés par ses mains ouvertes en témoignent.
Centré en bas du tableau, le peintre a représenté le rocher qui forme le sommet de la colline centrale du mont des Oliviers, là où a eu lieu l’Ascension. Sur ce rocher, il a représenté, comme sculptées dans le roc, les empreintes des deux pieds du Seigneur. En réalité, au sommet de ce tertre situé à 818 m d’altitude, la tradition a vu dans le roc l’empreinte, non pas des deux pieds du Seigneur, mais de son seul pied droit, par lequel s’est fait son dernier contact avec la terre. Entre 388 et 392, sur l’instigation de sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin, une noble praticienne fit construire une chapelle avec en son centre le rocher de l’empreinte. L’architecture avait la forme d’une rotonde et conservait le surplomb du rocher à ciel ouvert, pour que les pèlerins se figurent la scène de l’Ascension. Huit siècles plus tard, en 1198, la mosquée que l’on y voit aujourd’hui a été construite à cet emplacement. Cependant, la chapelle a été en partie conservée avec son rocher qui peut encore y être vénéré.
Cette empreinte signifie que, selon sa promesse, le Seigneur demeure présent à nos vies après son ascension. Une présence cachée, certes, mais néanmoins bien réelle sous ses différentes formes sacramentelles, éminemment dans le Saint-Sacrement, mais aussi dans le signe de sa présence que nous sommes appelés à être les uns pour les autres, un signe qu’il ne tient qu’à nous de rendre évident, en nous aimant comme le Seigneur nous a aimés.
Pierre-Marie Varennes
L’Ascension du Christ (1651), Francisco Camilo (v. 1615-1673), Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya. © akg-images.
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