© Alban de Châteauvieux
u Fêté le 21 février u
« Comme un malade qui entre dans une pharmacie et qui retrouverait la santé avant même de prendre les remèdes convenables, ainsi, sitôt franchi le seuil de ma cellule, sans même avoir besoin d’ouvrir un livre, ô merveille, comme enchanté par le lieu, je me suis trouvé sain et sauf, guéri de toutes les blessures de mon âme. » Tels sont les sentiments qui étreignent Pierre Damien (1007-1072) lorsqu’à l’âge de 28 ans il se retire à Fonte Avellana, un monastère de l’ordre des Camaldules, fondé par saint Romuald quelques décennies plus tôt.
Une vie cachée en Dieu
Son ancienne vie de brillant professeur de rhétorique dans les universités de Parme et de Ravenne lui apparaît soudain bien fade en regard de cette vie cachée en Dieu à laquelle il goûte désormais aux confins de l’Ombrie. Dans le silence de sa cellule, ce « parloir où Dieu converse avec les hommes », le solitaire se libère des liens du monde et de son propre ego et s’unit ainsi au Christ, qu’il place au centre de son existence. « Que le Christ soit entendu dans notre langue, que le Christ soit vu dans notre vie, qu’il soit perçu dans notre cœur », martèle l’ermite devenu rapidement prieur. Pierre Damien sait bien que ce primat de Dieu est malheureusement loin d’être vécu par tous les moines et les clercs de son temps. « La corruption déborde de partout (cf. Ps 11, 9) », constate-t-il avec effroi.
En guerre contre les faux pasteurs
Aussi ne craint-il pas de dénoncer haut et fort, au travers de sermons, de lettres et de traités, les multiples souillures qui défigurent le visage de la sainte Église, à commencer par le commerce des biens spirituels (la simonie) et le mariage et le concubinage des prêtres (le nicolaïsme). Il alerte avec une force rare les hommes d’Église sur le « danger redoutable » qu’il y a à « sortir de la voie du salut où leur exemple devrait guider les fidèles ». Et il porte la chose jusqu’aux papes successifs et aux grands de cette terre à qui il n’hésite pas à écrire. En 1049, il adresse ainsi au pape Léon IX un rapport détaillé sur les dérives des mœurs dans le clergé, en particulier chez les évêques, les moines et les prêtres, sous le titre : Livre de Gomorrhe, le pendant de Sodome dans la Bible.
Pour une Église plus libre
Son zèle réformateur le fait connaître jusqu’à Rome, tant et si bien qu’en 1057 le pape Étienne IX le nomme cardinal-évêque d’Ostie. Ce n’est pas sans douleur que l’amant de la solitude s’arrache à son ermitage, mais, pour le bien de l’Église, il s’investit corps et âme dans l’entreprise difficile de son renouveau. Au fil de ses voyages et de ses missions, de Milan à Cluny en passant par Limoges et Francfort, cette figure clé de la réforme grégorienne va œuvrer à rendre l’Église plus libre. Dans un discours consacré à saint Pierre Damien, Benoît XVI rappellera que « selon l’Évangile et la tradition de l’Église, est vraiment libre toute personne, communauté ou institution qui répond pleinement à sa nature et à sa vocation ». n
À l’écoute de saint Pierre Damien
« Il appartient à la Vierge Marie d’avoir conçu le Christ en son sein, mais c’est le partage de tous les élus de le porter avec amour dans leur cœur. […] Certes, la conception du Christ dans le sein de Marie a été une grande merveille, mais ce n’est pas une moindre merveille que de le voir devenir l’hôte de notre poitrine. […] Ici encore, mes frères, considérons quelle est notre dignité et notre ressemblance avec Marie. La Vierge a conçu le Christ dans ses entrailles de chair, et nous le portons dans celles de notre cœur. Marie a nourri le Christ en donnant à ses lèvres le lait de son sein, et nous pouvons lui offrir le repas varié des bonnes actions qui font ses délices. »
Pierre Damien, sermon 45,
sur la nativité de la bienheureuse Vierge Marie
(Journaliste, Marie de Chamvres collabore régulièrement à Magnificat.